Né en 1986, vit et travaille à Paris.
C’est en citoyen solitaire que Louis-Cyprien Rials voyage, filme, photographie. Les productions de l’artiste nous rapportent, depuis des terres ordinaires ou sacrées, une autre histoire que celle qui est préfabriquée et véhiculée par les journaux télévisés, une histoire pleine de fantômes, de déserts, de guerres et de décors que l’homme n’habite plus qu’à travers ses vestiges et ses stigmates, ombres de lui-même.
Traverser l’Odessa en moto pour découvrir les zones abandonnées de Tchernobyl, faire du stop en Irak sans un sous en poche : Louis-Cyprien Rials est souvent sur le départ, en route vers les représentations du sacré dans ces territoires où la question des religions, des mœurs et des rites se confronte à des enjeux politiques et économiques liés aux richesses naturelles ou à la situation géographique.
Il a, notamment, traversé l’ex-Yougoslavie, la République turque de Chypre du Nord, l’Irak, la Géorgie, l’Arménie, la République du Haut-Karabagh, la Crimée. En 2012, il achève Nessuno qui donnera naissance à la trilogie Des déserts et de la violence. Nessuno plonge le spectateur dans un village désert, étrangement silencieux. La tension règne entre un état d’alerte et de contemplation : la menace est omniprésente. Tout est laissé à l’abandon, comme si les habitants venaient juste de s’évaporer.
Ce décor de western contraste avec le bruit des avions survolant le village. Dilmun Highway, deuxième film de la trilogie, nous fait découvrir les 80 000 tombes Dilmun, dont il ne reste guère que dix pour cent. Ces vestiges sont anéantis pour construire des auto-outes, qui s’arrêtent au milieu du désert, privatisé par la NSA.
L’artiste fait aussi référence à la scène du métro dans le film Roma de Fellini, et des allusions discrètes à la révolution en cours depuis 2011 qui oppose des habitants chiites de l’île à une monarchie sunnite très proche des intérêts saoudiens. Le dernier film, Mene, mene, tekel, upharsin est un présage du passé qui refait surface pour détruire le présent. Il s’agit d’un film contemplatif, hypnotique, qui prend pour sujet un feu sacré qui brûle depuis plus de 4 000 ans et qui est mentionné dans la Tanakh, l’ancien Testament. Rials l’a tourné à Kirkouk en Irak, à quelques kilomètres des combattants de Daesh. Sur ces images de feu, l’artiste écrit une longue poésie, traduite en araméen et en kurde, qui parle du caractère sacré de ce feu, objet de la religion zoroastrienne et des bienfaits et méfaits que nous a apportés le pétrole, qui fait brûler cet énigmatique foyer depuis si longtemps. En parallèle, Rials étudie sur une échelle miniature et mentale les paysages époustouflants que la nature dessine et enferme aléatoirement à l’intérieur de différentes roches, et qui se révèlent par polissage. Il les photographie et les tire sur grands formats (série des Pierres, commencée dès 2007). Une autre façon de parler du monde qui nous abrite, pour cet humaniste d’un nouveau genre.