Né en 1987, vit et travaille à Paris et Tourcoing.
Cela a fait et continue de faire couler beaucoup d’encre : il y a photographie et photographie. Quels points communs en effet entre l’image argentique, qui est le résultat d’une empreinte, d’une trace laissée par la lumière sur la surface de la pellicule, et l’image numérique omniprésente aujourd’hui, qui est une image encodée puis décodée, une recomposition de pixels qui est de l’ordre de la représentation et non plus de l’impression sensible ? Tout cela, ici, est exploité en faisant l’économie d’un vain débat : du photogramme, l’un des premiers procédés photographiques, aux nouvelles technologies, Baptiste Rabichon exalte les possibles de tout ce qui peut s’interposer entre l’œil et le monde pour en rendre une image et creuse, ainsi, son médium. « Je n’ai rien contre le numérique ; je l’utilise là où s’arrête l’argentique », commente l’artiste, qui s’intéresse à la photographie parce qu’elle est « une perception de la réalité qui n’est pas la nôtre (l’enregistrement d’un événement retranscrit sur papier) mais qui est tout aussi justifiée ».
La démarche est, toujours, expérimentale. En 2012, il a inoculé les lettres « E.m.m.a. » au sein du code source d’un banal cliché de vacances – la mer à perte de vue. Le résultat : des stries dans l’image et un mystérieux hommage figurant la trace, abstraite, de ce prénom. Baptiste Rabichon n’a pas résisté non plus à l’idée d’immortaliser les ébats de deux scanners se scannant eux-mêmes (Sanners Frolics), avant de faire de même en recouvrant leurs écrans de peinture (Chirales, 2014–2015). Sur la même période, il a exploité la précision incisive du photogramme pour saisir de grandes compositions d’objets et d’images évoquant une étrange archéologie contemporaine à l’esthétique de vide-poches.
Ses Sténopés, suivant le principe de la camera obscura, sont une variante plus irréelle, impalpable, d’images où les objets semblent exempts de contours, plongés dans leur bain de couleurs d’où surgissent des visages évanescents (là encore, des images dans l’image) : « Il n’y a pas de grain, pas de matière… Le sténopé ce sont des couleurs pures, qui se mélangent. » Les techniques employées, cependant, ne sont pas le sujet et Baptiste Rabichon déplie les subtilités de son médium dans une approche avant tout sensible, et volontiers sensuelle, qui est loin de lui ôter son mystère, au contraire. Depuis peu, à l’aide d’un système de caches, il produit ainsi de grands formats associant images numériques et argentiques, comme ces ensembles fleuris au sein desquels apparaît parfois la silhouette de l’artiste (Ranelagh, 2016) ; une hétérogénéité visuelle préhensible bien qu’à peine identifiable. Les photographies de Baptiste Rabichon nous emmènent là où ce dernier trouve matière à sa fascination, dans le sens d’une sophistication du regard : à la limite – ou dans les marges – du visible. Texte par Marine Relinger.