Né en 1989, vit et travaille à Paris.
Une couverture de survie, une boule de bowling (non perforée), de longues tiges fleuries, des photographies de jeunes beautés aux yeux clos semblant tout droit sorties d’un magazine de mode… Avec « Fitz » (« fils de » en vieux français), réalisé en 2016, Alexandre Silberstein formule un dispositif narratif d’un nouveau type, entre installation plastique, synopsis de film et casting de pré-production. Posé à même le sol, un ensemble d’objets, de sculptures et de photographies est accompagné d’un texte ne faisant nul mystère du récit évoqué : nous suivons les pérégrinations d’un jeune homme, Augustus, qui se rend au sommet d’une montagne pour y déposer une offrande (du lilas, fleur des premiers amours, et des lys, celles du deuil), croisant sur sa route des personnages d’ordre tout aussi symbolique (un passeur bienveillant, des éphèbes nus et endormis invitant à l’oisiveté, des lutteurs figés dans la lutte caractérisant l’effort, etc.) Mais l’agencement de formes qui en témoigne propose une échappée au regard, associant l’imaginaire du spectateur à l’élaboration de ce récit initiatique, dans une esthétique « post post post pop » qui n’est pas sans rappeler les bonnes pages d’Instagram et qui finit de troubler le genre.
Il y a une manière somme toute pragmatique, chez ce jeune artiste – et l’essentiel sa génération avec lui – d’associer les univers médiatiques qui le fascinent (soit la mode, le marketing, le cinéma, les réseaux sociaux) à une quête artistique et spirituelle qui de tout temps demeure. Son art est de fait une prise de territoire, une manière de courber le réel à l’aide « d’outils culturels contemporains qui a priori permettent difficilement d’accéder à un ailleurs qui nous élève, alors que tout dépend de ce que l’on en fait », remarque l’artiste.
En 2013, il a ainsi passé quarante-cinq heures à dessiner une colossale montagne (s’agissant, de fait, du logo de la société de production Paramount Pictures) afin d’évoquer simplement « la marche, la répétition d’un geste, qui caractérise l’ascension ». Régulièrement évoquée dans ses travaux, la culture du corps et de l’apparence, survalorisée aujourd’hui, n’est jamais orpheline : « Un esprit sain dans un corps sain », écrivait Juvénal. Alexandre Silberstein dévoilera dans l’exposition une « boîte de jeu » un peu particulière contenant des altères en mousse, très légères et friables ainsi que des chaussures transformées et presque inutilisables, parmi d’autres éléments dont la manipulation nécessiterait infiniment plus de soin que de force. Ces objets, dont la nature vient contredire l’usage habituel, peuvent difficilement fonctionner dans notre réalité… ou alors d’une autre manière qui confinerait au sublime. Texte par Marine Relinger.