Né en 1986, vit et travaille à Paris.
Une étrange vibration irrigue le dessin d’Arnaud D.W., comme si celui-ci était animé d’une énergie ou d’un souffle vital. À l’origine, l’artiste s’est intéressé à la gravure pour donner par la suite à certaines de ses compositions l’illusion d’un relief en 3D semblable au procédé chromatique de l’anaglyphe, dont le terme signifie « ciselure en relief » ou « ouvrage sculpté ». Rappel lointain au glitch informatique, son tracé annonce un bug dans la matrice et les conceptions ordonnées de la pensée occidentale : sous le plan de surface se matérialisent des mondes aux échelles microscopiques ou macroscopiques vivant l’épreuve d’une « transformation silencieuse ».
Qu’il s’agisse de corrosion ou de cristallisation, d’altération de la matière par soustraction ou par addition, ou encore d’invasion parasitaire, c’est l’évocation du temps et l’inexorable dégradation de toute chose qui retiennent l’artiste. Des épaves aux rochers en passant par les météorites, ses dessins arborent une esthétique de la ruine, dont le sens sera plus contemplatif qu’ancré dans une conception matérialiste de l’histoire. S’il ne s’agit pas de lire le futur à partir des traces du passé, c’est parce que l’artiste s’attache au phénomène d’entropie pour ce qu’il est, c’est-à-dire un principe de désordre et de transmutation de la matière. Dès lors, ses recherches en « eaux troubles » raviveront les fantasmes d’une utopie cinétique propre à l’imaginaire scientifique ou à celui des futuristes.
Capter les flux et voir les mouvements imperceptibles fut sans doute l’obsession d’une époque qui s’obstina à intégrer dans une image fixe ce qui était fluide et changeant. Mais alors que les métaphysiques occidentales ont attendu la reproduction mécanique et la chronophotographie pour penser les transitions et les devenirs, la culture chinoise leur a toujours accordé une attention soutenue. Aussi, ce n’est pas un hasard si le trait est si important dans les dessins d’Arnaud D.W. et si ces derniers oscillent entre le vide et le plein. « Dans la peinture comme dans l’Univers, sans le Vide, les souffles ne circuleraient pas », nous enseigne la pensée chinoise.
Texte de Marion Zilio