Né en 1988, vit et travaille à Paris.
« Je considère le spectateur à partir du moment où il arrête de l’être ». Qui saisit tout à la fois, en un seul mouvement jubilatoire, le potentiel conflictuel et la générosité qui président à cette formule, a quelques chances de ne pas se remettre de sa rencontre avec l’œuvre d’Edgar Sarin. Entendons, ici, une démarche, incarnée par un ingénieur de formation à la personnalité détonante, ponctuée par la réalisation d’objets (des Entités Problématiques) et par la mise en scène de processus (tout aussi problématiques).
Les Concessions à perpétuité d’Edgar Sarin consistent ainsi chacune en un coffre de bois renfermant une composition picturale, entièrement recouvert de papier kraft et sobrement encadré de bandes noires. Ce n’est qu’au jour de la mort de l’artiste que l’acquéreur recevra, par pli postal, l’autorisation d’ouvrir son tableau. Ses Entités lumineuses, simples ampoules sur socles de béton, ne s’allument que pour dispenser, pendant 24 heures et ce aléatoirement d’ici 2049, un message crypté en morse. Les expositions collectives qu’il organise dans le cadre du Cercle de la Horla, associant d’autres artistes et personnalités, sont autant des espaces de monstration que de création expérimentale, qui évoluent dans le temps de manière organique. Il intervient aussi à même la rue, sans crier gare ou à peine, par exemple en y collant des affiches qui évoquent « le fardeau que représente pour l’humanité une image nette et définitive » et appelant aux volontaires : celui qui s’y risque se voit finalement mettre en tête « l’embryon d’une image », signe un contrat lui intimant de n’en parler pendant six ans, avant de restituer à l’artiste cette dernière arrivée – théoriquement – à maturité. Edgar Sarin écrit par ailleurs différents textes, généralement organisés en alexandrins, formulant une pensée globale dont le geste serait l’écho.
Ainsi ni ses actions, ni ses objets (qui sont un point de départ) ne sont d’art, selon leur auteur : et il est vrai que ce qui est précisément à l’œuvre ici, ce qui fait œuvre, est la spéculation mentale de ceux qui se retrouvent pris dans les rets de ce travail formellement et conceptuellement méticuleux, à l’esthétique minimale, qui soustrait plus qu’il ne montre. « Ma pratique est vulnérable ; plastiquement avant tout mais aussi parce qu’elle nécessite un interlocuteur pour exister. Pour l’instant, mon œuvre se balade (dans l’esprit de ce dernier, NDLR) tel un fichier dématérialisé », déclare Edgar Sarin. Et après tout, il serait dommage que cela ne fasse pas débat : ici, la suspicion même est de mise mais irrémédiablement le vice – telle cible – ne recourbe-t-il pas notre regard sur notre propre nuque ? Cela est important. Texte par Marine Relinger.