Chaque saison des Révélations est l’occasion pour nous d’écrire le nouvel épisode d’une histoire dont on ne connait pas à l’avance les acteurs ou même le lieu où cette histoire se raconte. Chaque année nous rebattons les cartes et repartons d’une page blanche avec la connivence de regard d’une galerie invitée, ce qui nous permet non seulement de dresser au fil du temps un panorama de la jeune création actuelle, mais aussi de la diversité de ceux qui les accompagnent professionnellement au plus près et parfois, le plus intimement. Après bientôt dix années de compagnonnage où notre projet n’a cessé de se développer, des carrières se sont lancées, de grandes complicités se sont créées, un air de famille s’est inventé.
Au milieu de tous les débats qui nous ont animés, un même sentiment domine et gouverne tous les autres, celui d’un amour non négociable pour l’art lui-même. La passion qui a guidé les choix de cette édition en témoigne une fois encore. Douze artistes resistent à l’enthousiasme spontané et communicatif d’Alexandre Mor, au regard tranchant de Philippe Charpentier, à l’esprit ouvert et exigeant de Paula Aisemberg, à l’acuité immédiate de Laurent Dumas. Toutes nos convictions et tous nos doutes mêlés. Chaque année, nous éprouvons aussi un petit déchirement pour les artistes que nous aimons mais qui n’ont pas été collectivement retenus. Chacun son chagrin d’amour… Mais de ceux qui pour nous ont fait l’unanimité, nous sommes sûrs. Sûrs de la maturité de leur pratique, sûrs de leur talent, sûrs de la générosité de ce qu’ils inventent et sûrs enfin de leur propre amour de l’art. Nous ne savons pas si nous aimerons ces artistes pour toute la vie, nos histoires culturelles sont ballotées de relations contrariées : d’un artiste, on admire telle période ou tel ensemble d’oeuvres et pas les autres, on se laisse fasciner, on déteste ou on exagère notre admiration. Théâtre des passions exaltées et parfois, quand on se rapproche du marché, trompeuses ou simulées. Mais pour ces jeunes artistes en début de carrière, il est trop tôt encore pour se regarder faire, il faut se déclarer pleinement, entièrement. Avec l’aide de l’équipe de médiation, affronter le regard des autres, celui du public mais aussi celui de ceux qui, avec l’expérience, ne se laissent plus séduire aussi facilement. Il faut se faire désirer, susciter cette pulsion scopique qui accomplit le petit miracle de l’art, celui de nous unir dans une seule et même forme.
Gaël Charbau, commissaire d’exposition