Héloïse Chassepot

Née en 1995, vit et travaille à Genève.

« En fait, qu’il s’agisse des autres ou de moi, je répète pas mal », s’amuse Héloïse Chassepot. Si la toile est éthérée, voire sensuelle, et si la touche est léchée, voire aseptisée, c’est bien parce que Héloïse Chassepot accorde à l’art une « valeur de légèreté indécente ». L’art des surfaces et des appropriations de la postmodernité a cédé sa place à celui des captures d’écrans et du sampling. À l’heure des mèmes et des retweets, l’originalité et l’authenticité n’existent plus, alors Héloïse Chassepot pratique un art de la sérendipité qui l’entraîne, sans hiérarchie ni logique de sélection apparente, d’un détail à un autre.

Ici un morceau de rideau extrait d’une toile de maître de la Renaissance, là un clin d’œil à une collègue de travail. Héloïse Chassepot ponctionne des bribes d’images ou de sons dans l’histoire de l’art ou son quotidien. Les choix répondent à des critères formels, si ce n’est à une méthode de distribution dont elle seule connaît les règles. Aussi est-ce avec nonchalance et dérision qu’elle régurgite, recadre, réduit, réagence.

L’organisation de ses peintures procède en cela d’une logique computationnelle où, à l’arborescence des livres, est privilégié un système de fenêtres en cascade et de fichiers imbriqués qui séquencent les toiles — rangées par ordre alphabétique — en « détails » ou « annexe ». À l’image d’un zoom isolant une partie, ses peintures opèrent par focales variables rafraîchissant la toile, telle une page Internet. Son système pictural se ramifie en réseaux ou constellations toujours susceptibles de contaminer les œuvres qui l’entourent ou d’être elle-même spamée par des pop-up. Le message y est subliminal, il convoque les pulsions refoulées d’une économie libidinale ; de sorte que ses peintures pourraient se lire comme un guide pour l’extrême présent. D’un zapping d’affects à la volonté de se glisser dans le flux du quotidien, Héloïse Chassepot a plutôt le courage de pratiquer ce que l’on pourrait qualifier, à la suite de Kenneth Goldsmith, une « peinture non créative » qui honore et chérit la manipulation et la réutilisation selon d’infimes décrochages.

Texte de Marion Zilio