Linda Sanchez

Née en 1983, vit et travaille à Marseille

Dans le cadre d’une série d’ensembles intitulée L’autre (2017), Linda Sanchez présente deux espaces jumeaux, au sein desquels trônent deux colonnes marbrées apparemment identiques, entourées des rebuts et des traces témoignant de leur fabrication. « Cette reproduction est moins celle de l’objet que celle d’une partition de gestes et de l’espace-temps dans lequel tout cela se construit », souligne la jeune femme. Cette dernière s’est, d’abord, filmée en train de réaliser la première sculpture. Puis elle a projeté au sol sa propre image, l’habitant afin de répéter, geste par geste, la série d’actions aboutissant — théoriquement — au même résultat. Sans compter les infimes variations dues à l’irréductible imprécision de sa main, à la liquidité d’un plâtre, à la trajectoire d’une chute… Alors que, selon Constantin Brancusi, « l’œuvre d’art doit être comme un crime parfait », le travail de la plasticienne sonne telle la reconstitution de la scène du crime, loin d’un exercice de composition formelle ou d’agencement d’objets.

Ses « performances plastiques » initient d’intimes négociations entre le geste de l’artiste et une phénoménologie des matériaux systématiquement mise en jeu. La vidéo 11752 mètres et des poussières… (2014) donne à voir la course d’une fragile goutte d’eau sur une surface dont on ne distingue ni les bords, ni l’orientation, ni la nature. Ces images semblent nous inviter à une méditation troublée par le caractère improbable de cette course-poursuite de soixante-et-onze minutes. Pour la réaliser, Linda Sanchez a bricolé une impressionnante structure rotative remontant à contresens, renouvelant ainsi le parcours de la goutte. Puis l’artiste a filmé cette dernière en gros plan, jusqu’à ce qu’elle sorte du cadre en vertu d’une accélération non anticipée.

La jeune femme a par ailleurs édité, face aux textes de l’écrivain Philippe Vasset, une série de schémas (14628.jpg, 2012), trame d’opérations graphiques et géométriques dont la succession génère ses propres règles, finissant par ne décrire que sa propre logique de construction. Le lacet (2016) s’apparente à un drap de plâtre se dressant dans l’espace, qui se révèle être le moulage d’une faille ouverte dans un monumental cube argileux, fendue a l’aide d’une corde.

Les dispositifs et formules de Linda Sanchez, tout sauf autoritaires, accouchent de résultats ténus et mystérieux : des objets spécifiques. Son œuvre, expérimentale et rigoureuse, semble ainsi exempte de toute nostalgie moderniste — celle de la toute-puissance de l’artiste — au profit d’une fructueuse complexité.

Texte de Marine Relinger

Œuvres présentées dans « En forme de vertiges »

Œuvres de l’artiste