Née en 1982, vit et travaille à Paris.
Mêler les techniques de la broderie à la fiction, à l’écriture ou à la philosophie peut sembler une entreprise bien extravagante ; c’est ce qu’on penserait naturellement avant de découvrir le travail de Lucie Picandet, une artiste dont la singularité ne tient pas seulement à ce medium « désuet » qu’elle utilise très souvent, mais bien plus encore aux discours qu’elle parvient à faire tenir ensemble, reliés et noués autour de ce procédé séculaire.
Pour l’exposition « Empiristes », l’artiste a imaginé une série de nouvelles « Broderies en suspension » qui consistent en différents morceaux de toiles maintenus par des tiges en bambou et traversés de fils de laine, dont certains viennent effleurer le sol. Lucie Picandet explique que ces étranges sculptures, suspendues au plafond, lui ont été inspirées par cet instant apparemment insignifiant où l’on s’attache les cheveux au cours d’une journée.
C’est, pour elle, comme un signe de changement, un détail où l’inconscient s’exprime. Ses broderies fonctionnent en effet comme des interfaces symboliques qui mettent en scène visuellement des notions bien difficiles à exprimer plastiquement : le fonctionnement de la langue, du refoulé, de la mémoire… Tout son travail explore par exemple le lien qui peut exister entre la structure du langage et les gestes impliqués dans l’action de tisser. Il s’agit toujours de faire passer un fil (des pensées) par un trou (la langue). L’envers d’une broderie, généralement caché, peut aussi apparaître comme un lapsus ou une réserve d’actes manqués : ils sont présents mais échappent au regard. De la même manière, le revers d’une toile brodée constitue, pour elle, « les coulisses du dessin ». Dans ses grandes « sculptures coiffures », elle s’amuse à décortiquer les différents gestes qui arrangent les cheveux : tresser, détacher, remonter, « les cheveux sont pour moi comme des fils qui sortent de la tête… comme des idées », déclare Lucie Picandet.
Pour « Empiristes », elle propose par ailleurs une installation en forme de cabinet de dessins qui retrace l’histoire du projet Celui que je suis qu’elle débuta en 2004, lorsqu’elle découvrit une carte postale reprenant la photo d’une ancienne bâtisse aux puces de Saint-Ouen.
Immédiatement frappée par un fort sentiment de déjà-vu, l’artiste a développé différents projets autour et à l’intérieur de cette image. Livres, dessins, croquis et même différentes formes réalisées avec l’aide d’un orfèvre se côtoient dans cette installation qui nous plonge au milieu d’une multitude de formes et de réflexions uniquement engendrées par cette rencontre, où un petit événement fortuit provoque les savoir-faire et l’imagination explosive de l’artiste.