Mali Arun

Née en 1987, vit et travaille à Stasbourg, Paris et Berlin.

Elle a peu mis les pieds aux Beaux-Arts de Paris où elle était censée apprendre à   faire de l’art, Mali, toute occupée qu’elle était à suivre une communauté de Roms en banlieue parisienne, fascinée par leur mode de vie, leur nécessaire créativité, à l’image des « baraques » qu’ils fabriquent avec tout ce qui leur tombe sous la main.

Le film qui en témoigne (Barak, 2013) suit une ligne fictionnelle inaugurale : elle aura sa cabane, le jeune Marcel la lui construira. L’œuvre, néanmoins, a dû encaisser toute la vivacité de ce réel : son histoire d’amour naissante avec le jeune Rom, la disparition de ce dernier, la réalisation de la baraque, sans lui. Sous l’œil de la caméra, pudique mais gonflée de désir, le récit gondole : c’est-à-dire qu’il trouve une unité autre.

Toute l’œuvre de la plasticienne Mali Arun — des installations puis des films — est placée sous la figure tutélaire de l’autre, de l’étranger, du différent. Cet intercesseur dont a besoin le créateur et dont parlait Gilles Deleuze, celui qui, parce qu’il pose problème, permet à l’acte de création d’éclore au-delà de ce qui est (pré)établi — débordant le créateur lui-même —, Mali le trouve ainsi dans les marges, là où la norme institutionnelle, cet académisme, a moindre prise.

Dans La Maison (2017), qui rend compte du quotidien d’un excentrique se battant pour continuer à habiter une bâtisse qu’il souhaite conserver à l’état de ruines, la tension apparente entre documentaire et fiction tend à s’inverser, tant les protagonistes et les situations s’avèrent cinématographiques.

Le formalisme artistique, qui est un cadre, entre systématiquement en négociation avec le vécu traversé. L’installation Explosion (2009) se compose de gravures sur papier accueillant un commentaire subjectif de l’artiste lié à chaque explosion de pétards comptabilisée en Chine — ces derniers y rythmant le quotidien —, où Mali Arun a vécu un an. La vidéo Paradisus (2015) révèle un site naturel croate rendu par une lumière surréaliste et visité par une horde de touristes, à    la manière d’un documentaire animalier. Sans cesse en décalage, le point de vue donne sur un espace trouble, qui est celui de l’œuvre.

Mali Arun part ainsi à la rencontre de l’autre non tant pour en exalter la différence, mais parce qu’elle permet d’habiter un écart : cette figure exploratoire et aventureuse qui ouvre, selon le philosophe François Jullien, « des espaces entre, c’est-à-dire des non-lieux, des lieux sans en soi, où justement la tension peut apparaître et travailler, relancer la pensée et déployer de l’intelligible y compris d’une façon que l’on attendait pas ». Une figure, donc, éminemment créatrice.

Texte de Marine Relinger

Œuvres présentées dans « En forme de vertiges »

Œuvres de l’artiste