Né en 1991, vit et travaille à Paris.
Nourri par l’univers de la marchandise et particulièrement du jouet d’enfant, Matthieu Haberard cultive au fil de sa pratique sculpturale l’art du contrepied. Formellement d’une part, parce qu’à rebours de tout recours à des outils technologiques avancés, il célèbre le fait-main et tel un artisan amateur, confectionne des objets composites, low-tech et souvent ridicules, à l’instar d’En face d’un idiot, une sorte de robot prestidigitateur en bois ou de Frankenstein raté et tatoué de graffitis enfantins. Conceptuellement d’autre part, parce qu’il adopte un certain retrait, ludique et critique, à l’égard de son époque, en puisant ses sources thématiques dans un Moyen Âge obscurantiste, mystique et fantasmé. En dressant des ponts entre cet âge reculé et le contemporain, Matthieu Haberard sonde les illusions du progrès et tente de trouver des alternatives à la toute-puissance de la raison.
Si l’irrationalité peut être elle aussi un danger, l’enjeu est de provoquer l’émergence de nouvelles voies. Les gris-gris, bijoux, masques et personnages conçus par l’artiste évoquent ainsi des objets rituels, des talismans ou des totems d’un troisième type, dont il s’agit de tester l’efficacité. Évocatrices de membres corporels (masque, bras articulé, etc.), ces œuvres agissent comme des protections ambiguës — enfantines et factices — face à l’afflux de violence dont tout un chacun est aujourd’hui le témoin. Elles dévoilent le potentiel de résistance des identités fragmentées, « réelles » et virtuelles, car l’artiste part du constat que nous vivons dans un état de guerre permanent (physique, économique, politique, etc.). Il se demande jusqu’où elle contamine nos affects, jusqu’à quel point il faut y résister ou, au contraire, dans certains cas, s’en extraire pour mieux la combattre. Matthieu Haberard façonne de nouvelles armes pour la jeunesse : des boucliers, humbles et populaires, chargés des pouvoirs de l’innocence.
Texte de Julie Ackermann