Né en 1987, vit et travaille à Paris.
Rémy Briere sculpte, essentiellement, mais il dessine aussi et réalise des installations. De prime abord, la pratique est des plus terre-à-terre : la sculpture parle de la sculpture, le dessin du dessin, la mise en espace de l’exposition… Puis il y a toujours « quelque chose qui cloche », un accroc dans la lecture, un vertige sensoriel, qui ouvre par le trouble un espace à l’imaginaire et fait basculer la réception de ce travail d’une grande rigueur formelle, minimal et auto-référentiel, dans un régime narratif et sensible.
Pour le salon Jeune Création en 2013, Rémy Briere a ainsi présenté une scène d’objets graciles et figés où tout néanmoins évoque le mouvement. Des tiges courbes de laiton au sommet desquelles des œufs semblent graviter s’évadent de leur socle ; un tas de plâtre en poudre bombé de peinture aborde la sculpture par l’ellipse ; un ready-made (ou, tout simplement, une timbale en tant qu’objet) est posé là, non loin d’une vidéo à laquelle l’on a coupé le son et qui représente un couple de danseurs exécutant une série de gestes simples. Tout semble en suspension, et sur ce paysage à la fragilité factice plane l’idée de la catastrophe, de l’écroulement sonore qui jamais n’advient. Evoquant l’art minimal aussi bien que les arts décoratifs, Rémy Briere multiplie les glissements formels et sémantiques, dans une sorte d’opération de déminage des référents.
Sa série de dessins Neiges noires (2011) reproduit ainsi des photographies de neige en train de tomber, préalablement saisies au flash avec un smartphone et traitées en négatif sous Photoshop. Inversion de l’ordre tangible des choses, le paysage en arrière-plan – à peine appuyé – semble disparaître dans le blanc du papier, quand ce sont les flocons, noirs et figés, qui sautent aux yeux et structurent une composition entre abstraction et figuration.
Rémy Briere cultive ainsi les contrastes : sa pratique n’est pas particulièrement liée à la technique, elle n’est pas plus conceptuelle. Ce qu’il évoque dans une pièce sonore inattendue, hommage au temps passé à l’atelier : estimant avoir passé une quarantaine d’heures à dessiner les Neiges noires, ce dernier est allé suivre autant de cours de chant. Le résultat : une interprétation d’Elvis Presley (« La chanson Crying in The Chapel, un tire-larmes », sourit l’artiste) qu’il enregistrera « du mieux possible » pour en diffuser la bande-son au sein de la Villa Emerige.
Avec une finesse non dénuée d’humour, Rémy Briere fait de l’art qui parle de l’art et c’est loin d’être ennuyeux. Il y a même quelque chose de performatif – ce qui n’est pas le dernier des paradoxes – dans ses pièces à la fois strictes et insaisissables, qui déjouent leurs propres présupposés. Texte par Marine Relinger.