Née en 1983, vit et travaille à Paris.
Le travail de Sara Acremann débute le plus souvent par des situations réelles et vécues par l’artiste, qui génèrent ensuite des pièces qui peuvent, pour la plupart, s’envisager comme des prolongements ou des reconstitutions de ces situations initiales. Mais le matériau que l’artiste nous livre au final, qu’il s’agisse de photographies, d’installations ou de vidéos, semble toujours un peu étrange, décalé, incertain. Un peu comme cette sensation de flottement que nous ressentons dans les rêves, où, sur le moment, tout paraît plausible, tandis que le fait d’y repenser dans la journée apporte au contraire de plus en plus d’irréalité à leur contenu.
C’est particulièrement frappant dans la série Pékin, deuxième périphérique (2011) où Sara Acremann prend des photos de passants « capturés » dans la rue devant d’immenses affiches qui semblent leur donner un rôle dans l’image et qui vantent, à grand renfort de clichés de mariages, de voyages, d’intérieurs luxueux ou de beautés photoshopées, une vie idéale à laquelle aucun de ces passants ne semble pouvoir accéder.
Dans le film Est-ce que l’herbe pousse encore ? (2013), ce sont ses propres parents que l’artiste met en scène dans une maison dont on ne fait que deviner certaines pièces. Ils dialoguent, parfois réunis, parfois séparés par une porte ou un couloir, mais aucun scénario ne semble se dégager, si ce n’est celui d’une attente, d’une absence…
Pour « Empiristes », Sara Acremann propose de retranscrire à l’échelle d’un mur un objet généralement destiné à rester discret et intime : une lettre d’amour. Il s’agit d’une lettre que l’artiste a retrouvée et qu’elle recopie ici, en la gravant directement sur une grande surface plâtrée. Mais au lieu de chercher un quelconque romantisme, c’est plutôt l’échec du langage à transmettre un souvenir (la lettre évoque des lumières, un canal, la neige…) que l’artiste tente d’affirmer par ce geste, à la fois violent et maladroit. En écho à cette installation, elle présente par ailleurs la vidéo d’un espace, Plan d’un souvenir non vécu, sorte de réflexion sur l’artifice cinématographique. Il s’agit d’un lieu apparemment urbanisé, mais bizarrement vide où l’on s’attend à chaque seconde à ce que quelque chose se passe, qu’un acteur surgisse… Mais une fois encore, à l’aide d’un dispositif dépouillé, elle parvient à maintenir en nous ce suspens, cette « minute éternelle », qui nous force à réfléchir aux contingences matérielles de cette image qui se révèle, pour des yeux perspicaces, plus artificielle qu’il n’y paraît.