Née en 1990, vit et travaille à Paris et New York.
Deux stores vénitiens, disposés à la perpendiculaire, auxquels sont suspendus des néons diffusant des lumières de différentes températures…
L’œuvre de Sophie Kitching, Day 1/2 — 2/2 (2015) est emblématique des expériences visuelles de l’artiste. Présentée dans l’obscurité, la pièce diffuse une sorte d’étrangeté mutine, affirme une présence immédiate dans l’espace, jouant sans doute de nos réflexes domestiques. Il s’agit d’un collage, au sens où ces éléments sont simplement rapprochés, agencés et présentés, comme quelque chose d’une suite logique aux ready-made.
En la replaçant aux côtés d’autres pièces de l’artiste, on y retrouve quelques principes qui semblent guider son travail, elle s’en explique ainsi : « Je travaille habituellement avec des matériaux simples. Je les modifie, les transforme, les associe entre eux, les réutilise d’une manière différente de leur usage quotidien. Leur faible coût me permet de tenter de multiples expérimentations. J’aime l’idée que l’objet existe déjà, ne pas avoir besoin de le fabriquer et pouvoir le transformer de manière immédiate »1. Dans August (2014), c’est pourtant un matériau un peu plus précieux qu’elle utilise : des feuilles d’or, à l’aide desquelles elle vient circonscrire directement sur un mur accidenté les reflets du soleil passant par une fenêtre, en utilisant la technique japonaise dite du kintsugi. Dans la sculpture Nuits américaines (2015), un morceau de branche maintient les lettres « re- », dessinées en néon, dans un aquarium rempli à moitié d’eau.
Destinée à être installée dans le noir, l’œuvre fait référence aux « paysages résumés » de Chateaubriand. Cette présence du paysage est évidente dans le travail de l’artiste : qu’il soit abstrait et traité en peinture et collages (les séries Mirror Painting ou Veranda, 2016), qu’il soit convoqué sous forme de mémoire dans ses vidéos, explicitement rehaussé de peinture à l’huile sur des tirages numériques de Watkins (Over Watkins, 2015), c’est toujours d’espace, de lumière, d’intrication des matériaux et de recouvrements dont il est question. Avec la force sensible de son intuition, Sophie Kitching nous promène dans un monde qui semble proposer la mue systématique des objets ordinaires : vers l’ouest de l’art, cet endroit où habite la poésie.