Né en 1987, vit et travaille à Marseille.
Du muscle, des bras, des phalanges, des veines et des poignets suspendus dans une sculpture en forme d’ellipse… Dans la série Sampling + (2016), Ugo Schiavi s’approprie, par la technique de l’empreinte et du moulage, des morceaux de statues qu’il choisit dans l’espace public. La plupart du temps aidé d’un complice auquel il demande de « poser » un bras ou un pied sur une partie précise, l’artiste fige ainsi une étrange rencontre entre deux fragments de corps : l’un contemporain et vivant, et l’autre pétrifié dans l’histoire.
L’artiste parle de « moulage vandale » pour qualifier l’opération, qui nécessite une certaine organisation et une grande rapidité, pour éviter qu’un quelconque représentant de l’autorité n’y mette un terme, bien que l’intervention soit sans séquelles pour le monument public. En effet, Ugo Schiavi travaille à l’aide d’alginate, une poudre naturelle qui se mélange à l’eau et n’altère pas les matériaux. De retour à l’atelier, il coule un plâtre teinté dans le moule qui ne pourra servir qu’une fois. La sculpture qui en résulte opère donc comme un glissement, qui serait le passage d’un monument pensé pour traverser le temps, à une parcelle fragile de temps présent, solidifiée. On pourrait même les comparer à des clichés photo, qui consisteraient en des gros plans libérés de la platitude et ramenés dans l’espace.
En 2015, invité en résidence au PLAC à Toulon, l’artiste a travaillé avec une équipe de rugby pour réaliser un imposant moulage des joueurs s’entraînant à la mêlée contre une structure en métal appelée le « joug ». Fabriquée là encore par prises d’empreintes successives sur le réel, la sculpture finale témoigne, par ses contraintes d’assemblage, de ce corps du sportif fragmenté par l’effort et la douleur. Un corps qui n’est plus montré comme une unité, mais plutôt comme une juxtaposition de régions ou de territoires, un corps dissocié, qu’il explore parfois comme un appareil doté d’extensions : lors d’un voyage aux États-Unis en 2015, Ugo Schiavi a travaillé avec deux joueurs de football américain, deux jumeaux, dont il a moulé les plastrons, les genouillères, les casques.
L’une des dernières séries de l’artiste Rebuscadores de oro (2016) rapporte au contraire le visage au cœur du travail. Lors d’un voyage en Amérique du Sud, Ugo Schiavi a convaincu un inconnu rencontré dans la rue de mouler son visage selon différentes expressions. Il a ensuite coulé la forme à l’aide de plomb, matériau dont la mollesse lui permet une transformation par rapport à l’empreinte originale. Plaqués or, ces masques de plomb se passent de longs discours, ils sont l’expression même d’une douleur universelle, d’un cri qui implique cette fois l’indispensable disparition du corps. Texte par Gaël Charbau.