Victoire Thierrée

Née en 1989 à Paris, vit et travaille à Pantin.

Victoire Thierrée emprunte des chemins de traverse, tissant un pont entre le champ de l’art — son contexte de production — et le monde militaire — son objet d’étude. Depuis près de dix ans, cette jeune artiste diplômée de GOBELINS, l’École de l’image et des Beaux-Arts de Paris met en œuvre un processus d’infiltration puis d’exfiltration d’images et de matériaux issus de lieux difficilement accessibles ; de pratiques ou d’innovations technologiques dédiées à l’art de la guerre et dont on ne peut, a priori, disposer.

Les images de son dernier film Birds of Prey (2018) révèlent la lutte confidentielle d’une base militaire dotée d’un fauconnier visant à éloigner les oiseaux qui menacent de perforer les cockpits de ses avions de chasse, doublées par la voix off d’un pilote de l’Armée de l’air victime de ce type d’accident. S’intéressant à la manière dont l’artifice s’approprie les formes de la nature pour pallier la vulnérabilité humaine en contexte extrême, Victoire Thierrée formule ainsi des propositions tout en contraste, en quête des fragilités qui sourdent d’un espace prétendument sous contrôle.

Dans le cadre du film Form Follows Function (2014) — référence au principe de l’architecture fonctionnaliste —, une caméra en mouvement épouse la cuirasse de blindés du salon de l’armement, conférant une aura irréelle, et donc idéelle, à ces fleurons pompeusement exposés. La série Azimut (2019), produite dans la continuité de ce travail, rassemble de fines sculptures d’acier dont la matérialité semble disparaître au profit d’une couleur « jaunevert pâle » recouvrant leurs surfaces intérieures ; teinte par ailleurs utilisée à l’intérieur des véhicules pour ses propriétés antistress mais aussi parce qu’elle tranche avec la couleur du sang, dont elle permet d’identifier la trace plus rapidement.

Soumettant la matière militaire au prisme de questionnements — formels et esthétiques — qui sont traditionnellement ceux de l’art, Victoire Thierrée actualise inlassablement la faille militaire : la nonmaîtrise d’une force dont il ne serait plus possible, dès lors, d’ignorer la part d’inhumanité.

Texte par Marine Relinger

Photo : Arnaud Lajeunie

Œuvres présentées dans « L’effet falaise »

Œuvres de l’artiste