Née en 1988, vit et travaille à Paris.
En équilibre sur un fil qui relierait la vidéo et la sculpture, les installations immersives d’Eva Medin déploient l’imaginaire étrange et familier de lieux inscrits dans la mémoire collective. À la manière de Georges Perec déclarant écrire Espèces d’espaces comme le « journal d’un usager de l’espace », l’artiste brésilienne basée à Paris développe un univers sensoriel où l’observation de son environnement proche menace à tout moment de perdre pied et basculer dans une fiction hallucinée.
De ses études conjointes en arts plastiques et en arts décoratifs lui est restée l’ouverture à la versatilité, travaillant selon une palette d’influences englobant aussi bien le théâtre, le cinéma ou la bande dessinée. Plus précisément, c’est à une narration séquentielle, telle qu’on la trouve dans la bande dessinée mais aussi dans le montage additionnel du cinéma, qu’elle arrime ses expérimentations spatiales. À l’intérieur d’une même installation, les différentes parties s’augmentent mutuellement, se répondent, se contredisent, se complètent — en un mot, construisent une séquence processuelle où le sens est toujours en transit.
Chacun de ces environnements se donneraient alors plutôt à appréhender comme un parcours dans l’espace, où l’investissement du corps construit autant de signification possible qu’il y a de singularités l’éprouvant. De même, entre les différents projets de l’artistes se trame une chaîne ouverte et potentiellement infinie de réappropriations et de recontextualisation, où les décors d’une vidéo génèrent une installation, qui elle-même donnera naissance à un film.
Pour Emerige, Eva Medin part du lieu qui l’accueille, où elle décèle la qualité de signe lui permettant d’embrayer sur une extrapolation dramatique et fictionnelle. Ainsi, un parcours vient relier diverses bribes de récit que le visiteur aura pu apercevoir ailleurs. À l’image des modules de la vidéo Smars, projetée sous la mezzanine, qui se transforment ici en éléments à mi-chemin entre sculpture et parcours. Un crash a eu lieu, et l’ambiance de fin du monde imprègne l’architecture sans qu’on ne puisse véritablement deviner sa cause. Brouillant les frontières entre les échelles, perception et imagination, le motif de la ruine, paysage de fumée et de lumière, réactive les croyances ancestrales à un au-delà — à moins qu’il ne s’agisse d’un déjà-vu provenant de films de science fiction iconiques. Qu’il soit mythique, divin, apocalyptique ou tout simplement artistique : peu importe la croyance, pourvu qu’il y ait le transport.
Texte de Ingrid Luquet-Gad