Luke James

Né en 1990, vit et travaille à Paris et Bruxelles.

Nourri par le minimalisme américain autant que par la pensée du philosophe Ralph W. Emerson ou le fameux Walden ou la vie dans les bois, œuvre manifeste d’Henry David Thoreau, Luke James envisage son travail comme une « conquête de territoire », celui de l’espace d’exposition.

Lors de sa première exposition personnelle à l’ENSBA de Lyon en 2015, une découpe dans une cimaise abritant un néon (In Search of Simplicity) déjouait la neutralité supposée du lieu : estce un trou, un mur ou encore ce qui se joue dans l’interstice, que l’on essaie de nous montrer ? Plus loin, un format réduit de la charpente du bâtiment, renversée à    la verticale, s’appuyait ironiquement sur la structure imitée. Le tout composant un parcours gonflé de symbolismes liés aux notions de passage et de seuil tirées de la mythologie, de croyances séculaires et des religions.

Plus récemment, il a exposé la vitre d’une banque vandalisée lors des émeutes de Barcelone pour l’indépendance de la Catalogne (Thanks to Black Bloc). L’objet, présenté au centre d’une galerie, ne se manifeste que par les fissures qui le parcourent ; les stigmates d’un impact qui évoquent, en creux, une réalité socio-économique ayant impliqué une série d’acteurs : banque, assurance, artisan, artiste. Les matériaux que Luke James utilise sont ainsi ceux de la construction, essentiellement troqués ou récupérés, porteurs d’un mystérieux vécu. Le « minimalisme néo-rural » de l’artiste témoigne à la fois d’une pensée critique et de récits nourris par les territoires traversés, les souvenirs d’une enfance passée dans une bâtisse bourguignonne sans cesse en chantier ou les accointances littéraires de l’artiste.

L’installation Au loin là-bas, la nuit nous donnera des ailes (2017) est composée de plusieurs poutres en bois. Sur chacune est déposé un petit oiseau en céramique, dont le corps est modelé par une unique pression de la main, geste violent ou geste de soin (« celui que l’on fait lorsque l’on veut réchauffer un oiseau blessé »). Le socle en chêne, surmonté d’une feuille de plomb et posé sur une fine plaque de verre, semble léviter. On retrouve ce matériau nocif dans Le baiser de plomb (2017) : deux plaques de plomb simplement recourbées puis encastrées figurent, au recto, deux visages qui s’embrassent et, au verso, deux visages tournés dans la direction opposée.

Il s’agit avant tout d’activer un espace puis, en l’ouvrant à une polysémie toute poétique, l’imaginaire du spectateur. À la fois concrets et sensualistes, pragmatiques et porteurs d’histoires, les espaces de Luke James exaltent les capacités de déduction et de fabulation qui nous sont propres, lorsque notre regard investit le réel.

Texte de Ingrid Luquet-Gad

Œuvres présentées dans « En forme de vertiges »

Œuvres de l’artiste