Marcel Devillers

Né en 1991, vit et travaille à Paris.

Les circonstances de peindre. Tel est le titre de l’une des séries de Marcel Devillers, alternativement décliné en Les circonstances de peindre (falloir), Les circonstances de peindre (agglutiner) ou encore Les circonstances de peindre (zoner), rassemblant des tondi de cuir vernis violet, jaune ou rose dont les bords n’en finissent plus de s’étirer en ondulations baroques. À    leur surface, des fragments de phrases, des mots esseulés, ont été apposés au pochoir — souvent ceux que l’on retrouve dans le titre.

Déjà, la déconstruction des canons de la peinture, l’appel du volume, le kitsch poignant ou encore la précision du verbe, indiquent la porte d’entrée à une œuvre où le texte fait image et le corps sert de mètre étalon. Se lisent, dans tel ou tel choix de matière, de couleur, de mots, d’objets — livres ou vêtements —, de mise en lumière, la réorganisation du monde autour d’un axe qui ne serait plus indiqué par les grands prédécesseurs de l’histoire de l’art, mais par les expériences aléatoires d’un sujet qui s’affirme comme tel et le clame à corps perdu. Les circonstances de peindre pourraient alors bien désigner tous ces infimes moments de grâce ou de crissements de la vie d’un jeune artiste d’aujourd’hui ; les moments qui collent ou suent, scintillent ou s’oublient, qu’on fige dans la représentation ou bien choisit de laisser couler.

Une œuvre plus récente, un tondo cerclé d’ampoules de scène et frappé en son centre de l’inscription au pochoir, en rouge sur fond noir, Adverse-moi la parole, prolonge la dialectique entre les références formelles de la grande histoire. Sur fond de litanie d’illustres Marcel, qu’ils soient Duchamp ou Broodthaers, se détache la nécessité de faire résonner une voie, sa voix, celle qui lance à la cantonade un prénom : celui que l’on possède en propre, mais dont il faut sans cesse consolider l’emprise sur le réel. Procédant par altérations et variations, la déconstruction ne s’applique pas au seul médium de la peinture, mais également aux relations des œuvres entre elles.

Pour le Prix Emerige, Marcel Devillers présente ainsi une variation de Adversemoi la parole, et d’une pièce antérieure intitulée Freddy, fais monter le mercury ! (2016). Initialement montrée lors de son exposition personnelle à la galerie Triple V (à Paris), il s’agit d’un châssis recouvert de feuilles d’aluminium, rétro-éclairées de manière à laisser apercevoir, en rouge, des griffures venant barrer la grille moderniste tracée à la surface. Par la lumière et le verbe, porter la peinture à son point d’incandescence.

Texte de Ingrid Luquet-Gad

Œuvres présentées dans « En forme de vertiges »

Œuvres de l’artiste