Margot Pietri

Née en 1990 à Drancy, vit et travaille à Paris et Saint-Denis.

Un jour d’éclipse, Margot Pietri a fantasmé un monde marqué par la disparition de l’astrerepère de l’humanité depuis des millénaires, le soleil. L’artiste en tira plusieurs conclusions, dont l’extinction d’espèces et de formes de vie terrestres, l’obsolescence de croyances et méthodes de mesure axées sur le soleil (les horloges, le cycle du jour…) et la nécessité de renégocier les rythmes de travail.

Ce scénario aux accents post-apocalyptiques lui a alors inspiré une série de textes et de paysages sculpturaux. Ils sont peuplés de signes et d’outils « au repos », comme des boussoles et des cadrans ayant tous complètement perdu le nord, à savoir ne montrant, ne transformant, ni n’indexant plus rien. Laboratoire de résilience, cette fiction post-soleil a des allures de sciencefiction mais elle permet surtout à l’artiste de cartographier et d’articuler un déboussolement contemporain généralisé face à la nécessité d’actualiser nos modes de pensée.

Dans Logiques des mondes, le philosophe Alain Badiou forgeait un concept : celui de « monde atone » pour décrire un réel où « on communique à l’infini », où « il n’existe aucun point » et où tout est si ramifié et nuancé qu’aucune instance supérieure ne permet de prendre une décision. Du bouleversement climatique à la fin des grands récits fédérateurs, en passant par la déconstruction opérée par la pensée critique : « l’atone » nous guette malgré tous ces GPS à portée de mains. Comment se positionner ? Où atterrir ? Par rapport à quoi ?

Les repères millénaires s’effritent lorsqu’ils ne s’effondrent pas. Et après ? Margot Pietri en sauve certains du naufrage et donne précisément consistance aux états émotionnels qui découlent de ce moment où un monde se dissout et un autre, balbutiant, émerge. À partir des restes, fragments, ruines et signes qu’elle efface ou laisse apparaître dans ses sculptures, Margot Pietri construit un terrain fertile de la désorientation, posant les bases pour une science expérimentale à même d’esquisser à nouveau une ou plusieurs directions communes.

Texte par Julie Ackermann

Œuvres présentées dans « L’effet falaise »

Œuvres de l’artiste